Rencontrer le cœur de l’Indien c’est oser, vivre l’impuissance sans perdre la force de l’amour.
Ce matin, l’Indienne, qui vibre en moi, la chamane, qui brouille mes yeux avec ses visions douloureuses, a demandé de l’aide à la nature qui l’entoure au Cœur du Hérisson.
Je souffrais pour ma chère Terre Mère qui n’a pas eu sa place dans les urnes. Le changement climatique n’existe pas dans les salons ou sur les écrans, ni dans les villes apparemment ! J’ai laissé mes pas guider ma médiation profonde en marchant dans ce lieu que j’aime. Mais peu à peu, mes pensées sont revenues et sans cesse les mêmes questions tournaient en rond dans ma tête :
Comment est-ce possible que les « Mots » semés au cours de la campagne sur « l’urgence d’agir” de changer nos comportements n’ont pas su prendre racine ?
Je marchais tellement loin de la terre que celle-ci s’est rappelée à moi. J’ai trébuché et mon regard s’est porté sur ce sol desséché et dans un éclair de lucidité, j’ai reçu une réponse à ces éternelles questions :
« On ne peut pas planter sur un sol aride. »
Mes larmes ont pu enfin couler. Tout était donc vain ? Tout était-il perdu ? Les mots qui faisaient vibrer mon cœur, se sont-ils envolés dans les bras des vents mauvais ?
Je me suis connectée à la terre crevassée si proche de la rivière. J’ai laissé couler cette eau du cœur qui vient d’un sentiment de grande impuissance. Mes larmes amères d’une mère en colère nourrissaient chichement la terre déjà poussière. Je souffrais de ne pouvoir soulager ma Mère la terre, que j’aime tant, car de ces crevasses s’offraient à mon impuissance, des centaines de paysages tous plus arides les uns que les autres. C’est la douleur « de voir » du chaman, ces visions sont souvent très difficiles à vivre. Peu à peu, j’ai senti que l’esprit de la terre venait plus près de moi et me proposait de voyager dans ses bras. J’ai laissé l’esprit de la rivière me donner le tempo du voyage qui permit à mon âme de voyager au-delà des forêts.
Je me suis retrouvée sur ma terre natale en Cévennes au mois de juillet, ou le sol gorgé de soleil agonisé. Je connaissais ce sol qui a accompagné mon enfance. Puis je suis revenue en Normandie, sur un autre bras de rivière, mon regard a embrasé le paysage et j’ai vu d’autres crevasses. Je pris alors la mesure de cette folie, comment est-ce possible qu’au mois d’avril, en Normandie, s’épanouisse la sécheresse d’un sol de juillet et le gel matinal du mois de mars ?
J’ai ressenti (plus fort que jamais) que le changement climatique était en marche, et il allait très vite, bien plus vite que ce que j’avais imaginé, comme il ne fait pas peur, il a déjà gagné.
J’ai senti monter ma colère et mon esprit à voyager vers ces grands meetings qui ont fait vibrer mon cœur. Où est cette germination qui sentait bon le changement des comportements pour donner un futur à mes petits enfants ?
Où sont, à présent, ces mots « solidarité, fraternité, égalité » qui retrouvaient leur place quand les hommes osaient se réunir pour faire face à l’adversité ?
À cet instant dans ma médiation, devant ces grandes failles béantes que la terre me montrait, j’ai retrouvé le souvenir d’un désert, juste après une exceptionnelle ondée. C’était magique, merveilleux et je me souviens de l’émoi qu’une telle rencontre avait su provoquer. Des graines vieilles de plusieurs mois, voire de plusieurs années, avec quelques gouttes de pluie avaient réussi à germer et le désert était devenu prairie.
Sera-t-il trop tard quand les larmes réveilleront les cœurs endurcis par la peur ? Car ce temps viendra, le temps du chaos n’est pas discutable, seulement la façon de le traverser.
C’est le message que j’ai reçu, il a apaisé mon âme, car qu’importe ce présent différent de celui que j’avais souhaité. C’est celui que la vie a choisi et je l’accepte, j’ai confiance, car les graines ont été semées et c’est cela le plus important ! C’est ce que je fais en éveillant l’Indien en chacun de vous, c’est ma façon de contribuer à cet éveil des consciences.
Je suis certaine qu’un jour ces graines germeront. Peut-être la nature a besoin de souffrance pour une délivrance qui nous est inconnue ? Mais ce dont je suis sure, c’est qu’au cœur de la douleur, ces graines porteront une vibration d’espoir et d’amour. Même si je ne comprends pas la route empruntée par la vie, même si elle me parait parfois trop douloureuse, je crois à la danse qui l’anime.
J’apprendrais à aimer les blessures de la terre, comme celles qui dévorent le corps d’un être cher en fin de vie. Mes yeux ne verront pas le corps meurtri, mais la vie qui surgit et fleurit dans un ailleurs infini.
Merci infiniment
Esther
Magnifique texte